Les erreurs principales
En France, il est plutôt de bon ton de considérer l'enfant comme une source de contraintes et les soins à lui apporter comme une succession de corvées. Pour preuve de cette habitude, il n'y a qu'a écouter la phrase quotidienne de conclusion de la présentatrice de l'émission "les maternelles" sur la 5è chaîne de télévision française... Nous partons bien souvent du principe que les enfants sont tous des vauriens en puissance, prêts à tout moment à faire une bêtise pour le seul plaisir de nous embêter et que seule une éducation rigide permet de les mettre sur le "droit chemin" et de conserver l'autorité. Nous voyons la relation parent-enfant comme une relation de domination où le plus fort l'emporte toujours. Pourtant, comme le disait Françoise Dolto dans La cause des enfants, "Nous avons un mythe de progression du foetus, de la naissance à l'âge adulte, qui fait que nous identifions la progression du corps à celle de l'intelligence. Or, l'intelligence symbolique est étale de la conception à la mort". C'est nous, parents et éducateurs en refoulant sans cesse l'enfant en nous et en exigeant des enfants qu'ils se comportent comme nous le voulons, qui les rendons impatients, coléreux, irrespectueux, individualistes, égoïstes, violents, en étant tour à tour tout cela avec eux. Ainsi se répète de génération en génération une société pour adultes, amputée des forces inventives, créatiques et poétiques de l'enfance, qui sont le ferment de renouveau des sociétés.
Dans les cultures
occidentales dites "de séparation", nous confondons malheureusement
autonomie et indépendance. L'autonomie veut dire "suivre son propre
chemin", on ne peut donc pas la donner à l'enfant, c'est lui qui devient
autonome peu à peu, en franchissant à son rythme des étapes progressives. Il
faut un temps pour chaque chose : 9 mois pour être prêt à affronter la vie
aérienne, 12 mois pour apprendre à marcher, 18 mois pour apprendre à parler et
plusieurs années pour acquérir ce que Boris Cyrulnik appelle l'attachement
sécure. L'évolution de la puériculture dans le domaine de la propreté est
exemplaire. En effet, si dans les années 50 les enfants étaient
"dressés" à faire sur le pot dès qu'ils tenaient assis, on fait
aujourd'hui très nettement marche arrière en revenant à un respect du rythme
normal pour cet apprentissage qui se déroule facilement entre la deuxième et la
troisième année si l'on a attendu que l'enfant soir prêt. Il n'en va pas autrement
pour la prise d'autonomie, étroitement liée à la qualité de l'estime de soi. De
la même façon que l'on apprend pas à nager à une personne apeurée par l'eau en
la jetant d'emblée dans la piscine, mais en lui faisant apprivoiser
progressivement cet élément angoissant ; on ne rend pas un enfant indépendant
et autonome en le forçant à se séparer de ceux qu'il aime avant qu'il n'y soit
prêt. Ce faisant, on fragilise psychiquement l'enfant qui apprend alors qu'il
ne peut compter sur personne, même pas sur ceux qui l'ont voulu, désiré,
attendu, et dont il dépend totalement. Comment, par la suite, la vie durant,
être capable d'établir des relations basées sur la confiance ?
On confond aussi dépendance affective et addiction alors que cette dernière
découle d'un manque de la première. C'est en effet pour combler le vide laissé
par l'absence de dépendance affective à la mère et le manque de plaisir vécu à
travers une relation d'amour puissante, que l'enfant, devenu grand, va
rechercher à être dépendant d'une autre source de plaisir, par l'addiction à
des produits ou des comportements pourvoyeurs de plaisirs, qui ne cessent de
prendre de l'ampleur. Nous initions nous-mêmes fort bien nos enfants au recours
à la substitution en les nourrissant au biberon (rapidement pris seul) avec un
lait dit "de substitution" qui leur procure bien moins de
satisfactions et bien plus de frustrations ; puis en leur proposant un doudou,
qui se veut le substitut de la mère, non seulement accepté, mais même fortement
recommandé. Ce faisant nous leur apprenons aussi à se consoler et se rassurer
auprès d'objets et non auprès de personnes, ce qui va dans le sens d'une
société toujours plus consommatrice et matérielle.